domenica 21 ottobre 2012

Lettre de Jila D'Evine à Redjaï-Shahr - Lettre de Jila Banyaghoub à son mari Bahman Ahmadi-Amoui


Mon très cher Bahman,

Voilà deux mois que je ne t’ai pas vu ; deux mois depuis ma dernière visite à la prison de Redjaï Shahr ; tu m’avais regardé derrière ces barreaux de fer et ces fenêtres à double vitrage. J’ai oublié de te dire combien j’étais hésitante et sceptique avant de me rendre à cette dernière visite. J’avais même envisagé de me présenter à la prison d’Evine quelques jours en avance pour éviter le jeudi, jour de visite à Redjaï Shahr. En me lisant, tu seras peut-être surpris, alors je vais t’expliquer pourquoi cette visite pour te dire au-revoir m’étais si pénible. Je savais bien qu’il nous faudrait attendre au moins un an avant de nous revoir. Tu t’imagines ? Toute une année ! J’avais peur de ne pas avoir le courage de te dire au-revoir pour toute une année. J’avais peur de craquer, de pleurer et que ce soit cette image de moi qui te hante pendant une année entière. J’ai fini par surmonter mes peurs et je me suis forcée à venir te voir.

Le bureau du procureur et les fonctionnaires de la pénitentiaire ont refusé d’autoriser une femme qui allait rentrer en prison de voir son mari incarcéré une dernière fois en face à face. Il fut un temps où ce genre de restrictions m’aurait choqué, mais désormais, rien ne me surprend plus. Et toi, es-tu surpris ?

Hélas, cette dernière visite a eu lieu dernière des fenêtres à double vitrage et des barreaux de fer à la prison de Redjaï Shahr. Comme lors de beaucoup d’autres visites, tu portais ton tee shirt vert. Le vert te va bien. Tu disais toujours : « Jila, je sais que tu aimes vraiment le vert, alors je porterai ce tee-shirt les jours de visite ! » Nous n’avions que 20 minutes et nous parlions très vite tous les deux comme pour faire entrer tout ce qu’il fudrait nous dire durant les 20 prochains mois dans les 20 minutes que nous avions. C’était si difficile ! Comme tu as bien sûr une plus grande expérience de la vie derrière les barreaux, tu me donnais des conseils sur ce que je devrais faire pour rendre plus supportable ma peine de prison à venir. Tu me parlais de l’importance de l’exercice, de la nécessité de lire et d’étudier, d’un peu d’air frais chaque jour. Tu me recommandais même quelques livres qui, selon toi, étaient particulièrement agréables à lire derrière les barreaux. Je répétais : « Bahman, ne t’inquiète pas tant pour moi et pour cette année que je vais passer derrière les barreaux, ça aussi se passera bien. » Dieu seul sait mon état de nervosité ce jour-là, peur que l’un de nous ne craque, ne pleure. Les 20 minutes sont passées et aucun de nous n’a pleuré. A la fin de l’entretien, j’ai posé la main sur ces maudits double-vitrages, et tu as posé la tienne de l’autre côté, un geste supposé démontrer la profondeur de nos sentiments, plus qu’une étreinte ou un baiser. Ce fut la fin de la visite. Tu t’es levé et tu t’es éloigné tandis que je te regardais marcher loin de moi de derrière ces fenêtres et ces barreaux de fer. Quand j’ai été sûre que tu ne me voyais plus, j’ai relâché la pression et j’ai sangloté doucement, les larmes m’inondant le visage. Je ne sais pas comment tu te sentais alors que tu t’éloignais de moi.

Mon premier jour à Evine, je suis passée à côté du bloc 350 en me rendant au bloc des femmes, ce qui m’a remplie de joie. C’est l’endroit où tu as passé trois ans de ta vie. J’avais toujours voulu le voir, même de loin au moins une fois dans ma vie. Et maintenant je vis à côté de ce même bloc où tu étais encore détenu il y  a quelques semaines. Comme tu le sais, le bloc des femmes est tout à côté du bloc 350 où les prisonniers politiques sont détenus. Parfois, on entend les voix fortes de tes anciens compagnons de cellule de l’autre côté du mur. A chaque fois, cela me rappelle la lettre que tu m’avais écrite et dans laquelle tu me disais avoir entendu la voix des prisonnières ce qui te faisais m’imaginer au milieu d’elles, sachant que je serai bientôt parmi elles ; et maintenant j’y suis mais tu n’es plus de l’autre côté du mur.
Les images, les murs et les incidents me semblent familiers. Ils me semblent familiers car ces trois dernières années, tu m’as souvent écrit sur ces sujets ou bien tu me les as décrits durant ces visites en prison qui se déroulaient dans des cabines téléphoniques. Et aujourd’hui, j’en fait directement l’expérience. Tu m’avais même parlé de la lune dans le ciel au-dessus de la prison d’Evine. Hier soir, j’étais assise quand Shabnam Madadzadeh a crié : « Sortez toutes et venez voir comme la lune est belle ce soir. » Je me suis alors rappelé que tes amis et toi vous aviez l’habitude de vous asseoir dans la cour du bloc 350 d’Evine pour regarder la lune. J’ai suivi Shabnam dans ce petit endroit où l’on prend l’air dans le bloc des femmes et j’ai fixé la lune qui semblait parfois embrasser un nuage gris puis redevenait claire et brillante quelques instants plus tard.

« J’aime la lune depuis mon enfance ! Tu vois, la lune est si belle. Quand j’étais à la prison de Redjaï Shahr, je ne pouvais pas voir la lune. Je me rappelle combien elle me manquait et puis soudain, un jour, au travers de plusieurs portes et barreaux de fer, j’ai aperçu la lune. Une sensation qui m’a comblée ! » m’a expliqué Shabnam.

J’essaie d’écrire une courte relation de mes journées à Evine pour que tu te rendes compte, comme tu me l’avais dit, que les journées ici ne sont pas si terribles. Nos journées sont calmes. La plupart des prisonnières suivent rigoureusement leurs études, pratiquent un sport, un artisanat ou enseignent une langue étrangère. La plupart des prisonnières ont bon moral, ce qui me donne de l’énergie. Je suis pleine d’espoir quand je vois l’énergie de Bahareh Hedayat, son énergie, sa vitalité et sa détermination malgré sa lourde peine. L’énergie me vient de femmes comme Mahvash Shahriari et Fariba Kamalabadi qui purgent toutes deux une peine de 20 ans ; des femmes qui n’ont pas eu de liberté provisoire ces dernières années mais restent néanmoins calmes et patientes. Je suis motivée par la présence de Nasrine Sotoudeh qui a passé presque trois ans en prison sans une seule journée de permission. Etant donné que nous sommes relativement nouvelles à Evine, Shiva, Mahsa et moi n’avons pas le droit de nous montrer impatientes ou de manquer de vitalité ou d’énergie. Nous lisons comme elles, nous faisons de l’exercice et restons patientes derrière les barreaux.

Le bloc des femmes d’Evine abrite actuellement 33 prisonnières politiques. On a transféré Faezeh vers minuit et demi. A minuit, c’est l’extinction des feux. Nous sommes toutes couches, ou bien nous dormons, ou bien nous lisons. Le transfert d’une nouvelle prisonnière si tard dans la nuit n’est pas ordinaire, la plupart des transferts ont lieu durant les heures de bureau. Quand Faezeh est arrivée nous nous sommes toutes levées. Chacune se demandait ce qui s’était passé et pourquoi la fille de Hashemi Rafsandjani était transférée à Evine à cette heure de la nuit. Faezeh, très excitée, nous a raconté son arrestation et son transfert à Evine. Nazanine Deyhimi a été transférée à Evine vers 15h00. C’est la fille de l’écrivain et traducteur célèbre Derakhsan Deyhimi.

Il y a peu de différences entre le jour et la nuit derrière les barreaux. L’arrivée d’une nouvelle prisonnière y est donc considérée comme un évènement qui fait beaucoup de bruit dans le bloc. Les nouvelles arrivantes apportent un souffle de vie de l’extérieur. Les anciennes commencent par demander aux nouvelles de parler des raisons de leurs arrestations et finissent habituellement par demander ce qu’il y a de nouveau, comment ça va dehors et les derniers développements et les dernières analyses.

Nous sommes 33 femmes d’opinions différentes et quelquefois opposées dans le bloc des femmes d’Evine. Certaines soutiennent le Mouvement Vert, d’autres sont bahaïes, chrétiennes nouvellement converties ou membres des Moudjahidines du Peuple. Bahman, mon chéri, ce qui me plait le plus dans cette prison c’est que toutes ces personnes différentes et quelquefois opposées coexistent en paix. Nous nous asseyons ensemble, nous partageons nos repas, nous discutons ensemble. Je trouve cette coexistence pacifique extrêmement gratifiante. Mon expérience derrière les barreaux m’a donné espoir qu’un jour un modèle similaire soit mis en place dans toute la société. J’espère le jour où hommes et femmes de croyances politiques et religieuses différentes vivent ensemble sans avoir besoin de s’éliminer les uns les autres ou de se conduire en ennemis à cause de différences d’opinion, de religion ou d’idéologie politique.
Si une telle coexistence est possible en prison, pourquoi ne le serait-elle pas dans tout notre pays bien-aimé ? Je suis pleine d’espoir qu’un jour nous verrons cette société en Iran et je sais que de meilleurs jours viendront.

Tu me manques et je t’aime plus que jamais.

Jila Baniyaghoub – Bloc des femmes de la prison d’Evine

P.S. : Je ne veux pas dire qu’il n’est jamais difficile de vivre ensemble à Evine. Il va sans dire que nous avons notre part de désagréments et de disputes. Mais ce qui est important c’est que nous les résolvons par la discussion et le dialogue.

Collectif Francophone pour un IRAN libre et démocratiqueCollectif Francophone pour un IRAN Libre et Démocratique

domenica 7 ottobre 2012

In attesa di giustizia, Anna Politkovskaya


A sei anni dal suo assassinio, mandanti ed esecutori rimangono nell'ombra, garantiti da quel potere che così intimorito dalla sua opera di denuncia e dal suo impegno civile, vuole renderla definitivamente sconosciuta, oltre la morte. Un bel ricordo di Anna Zafesova per Gariwo.